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La Nouvelle Lettre du Jeudi
31 mars 2008

Le pays des noms et autres fadeurs

Du côté de Pommier, il y a encore des maisons qui regardent des vallées que l’on voudrait croire inhabitées ; il suffit de s’enfoncer vers Love ou St-Bresson pour se perdre dans des forêts de chênes qui semblent inextricables. À condition de prendre la route qui, à deux pas de la mairie d’Avèze, bifurque vers la montagne, on s’engage dans des lacets dont les vues manifestement n’ont pas pour tous la même valeur esthétique et morale (un paysage ne nous élève-t-il pas lui aussi ?). Une cuvette de w.c. gît sur le bas-côté de la route, au milieu des arbres, comme un signe de l’état du monde, ou du moins d’un certain type d’état que la langue usuelle et familière — qui est l’authentique langue officielle — nous donne à entendre trop souvent. Dépassé ce manquement, une variation brutale et malheureusement significative sur le thème de l’oubli de l’être, il n’y a plus qu’à suivre la route et à se laisser aller à la pure contemplation.

Il est rare que l’on rencontre un véhicule, un cycliste ; pas une âme, le plus souvent. Sur les versants où se déversent en abondance au meilleur moment du jour les rayons du soleil, quand on a déjà dépassé Pommier et que l’on commence d’apercevoir le pic d’Anjeau, des plantes que l’on ne rencontre qu’en climat méditerranéen sont visibles sur les bords du chemin. Si vous dépassez la forêt et que vous atteignez l’endroit où, sur la gauche une pancarte indique St-Laurent-Le-Minier, vous vous trouvez alors entre deux vallées, au sommet de la crête et c’est sans doute l’un des plus beaux points de vue sur le pic qui s’élève à huit cent soixante-quatre mètres d’altitude. Dans ce paysage, certains y verraient bien des éoliennes, et il se pourrait bien que ce catastrophique souhait se réalise.

Si je m’attarde à décrire ces quelques vues, c’est aussi pour dire combien elles sont menacées. Le paysage n’est plus qu’une notion précaire qui n’appartient pas de toute façon à la conception dominante qui prévaut et qui planifie l’existence.

Entre le Lingas où l’hiver s’attarde encore — ses pentes sont blanches, le vent de la montagne souffle un air glacé —  et la maison où j’écris ces phrases, un grand pan de terrains nus, mélange de champs de luzerne, de garrigue et de parcelles rocailleuses abandonnées aux herbes jaunes et aux chardons, est l’objet de tous les fantasmes des spéculateurs immobiliers qui hantent la région en quête de nouvelles terres constructibles. Un tel saccage a déjà eu lieu à la sortie de Ganges, le long de la route vers Nîmes. Il se déroulera bientôt à St-Bauzille-le-putois où des lotissements enlaidiront définitivement un vaste espace qui était un lieu de retraite idéal : quelques vieilles bâtisses, un château, des vignes et des jardins au pied de parois vertigineuses. Il paraît que l'un des mas que l'on voit aux pieds de ces parois appartient à Jacques Ségala, le publicitaire.

L’esprit comptable qui mène le monde m’impose aujourd’hui de mettre de l’ordre dans des papiers que j’ai abandonnés depuis trop longtemps. Je dois donc en rester là où je suis arrivé, au pied de ces parois qui pour un temps encore très court ne regardent rien d’autre que les vignes et la route de Montoulieu.

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Commentaires
L
Les gens d'ici rêvent-ils à ce point de béton ? C'est terrifiant. Les terres agricoles disparaissent, pour des villas avec piscines,alors que l'eau se fait rare et qu'on va en avoir de plus en plus besoin de terre à cultiver.
La Nouvelle Lettre du Jeudi
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