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La Nouvelle Lettre du Jeudi
5 février 2008

Chine l'absente

Rombal, Rembal, Robal, Rumbas, nom qui se décline dans le roman de Juan Benet Tu reviendras à Région, et qui a une fonction bien précise dans le texte. Un jour, j’ai évoqué cette syllabe, « er », qui parsème La Recherche (Albertine, Gilberte, Guermantes, etc.) et l’œuvre de Renaud Camus (Le Gers, Heidegger, travers, etc.) créant un réseau de passages intra- et intertextuels. Les variations de Benet sur le nom Rombal appartiennent au même registre de la poétique de la prose : il s’agit de créer au travers des pages un chemin transversal qui se joue de la lecture linéaire et chronologique ; c’est un jeu de rimes et d’échos qui ouvre les pages à une lecture plus stimulante et vagabonde. (Chez Benet, la page et la terre se confondent.)

*

Et les mots qui, tandis qu’elle cuisinait en lui tournant le dos, montaient avec la même fluidité irrépressible et gratuite que la fumée… L’association de la cuisine et de l’écriture, qui est ici relancée par Benet, est une métaphore qui traverse toute la littérature jusque dans les pages de Corée l’absente quand Renaud Camus rédige des recettes improvisées et pour le moins fantastiques (je n’ai pas encore essayé d’appliquer les recettes). Un œil sur les pentes couvertes de neige de Lingas et un œil sur cet écran (je me demande comment je vais parvenir à écrire ce billet sans commettre de solécismes), je tente de créer une diversion matinale et scripturaire afin d’écarter les nuages de soucis divers qui s’amassent au-dessus du désordre de mes « affaires ». Je dois téléphoner ce matin à la banque pour demander une ouverture de ligne de crédit, un genre de téléphonage qui n’est absolument pas mon sport favori. D’où cette diversion. La maison demeure dans l’ombre de la colline une grande partie de la matinée. L’été, dès neuf heures, le soleil éclaire et réchauffe la cuisine dont la porte alors est largement ouverte. Dans cette bâtisse de pierre (et de poussière), la notion de vitesse, la durée, le Temps, prennent des tonalités quasi intemporelles. Il est difficile de concevoir un passage entre des mondes aussi opposés que la grande ville chinoise où j’étais la semaine passée et l’univers clos, ceinturé par les collines et les montagnes, de Rogues. Le séjour chinois ne me paraît déjà plus qu’une sorte de rêve. Et pourtant, ces montagnes dans le lointain qui se perdent dans les brumes hivernales de la Chine subtropicale, ne pourraient-elles jouer le rôle d’une jonction possible entre ces mondes ?  Et les estampes qui montrent ces torrents jaillissants des plis de la roche, ces pentes luxuriantes où se nichent des maisons et leurs habitants, c’est tout un monde reclus qu’ici on pourrait entendre.

Me relisant, je dois bien constater qu'une mauvaise nuit a des effets dévastateurs sur les phrases et l'ordre que l'on tente toujours tant bien que mal de préserver. Le moins que l'on puisse dire est que ça sent le brûlé.      


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Commentaires
D
J'ai lu, hier, les 150 premières pages de "Tu reviendras à Région" : c'est un éblouissement. Peu de livres, je crois me souvenir, ne m'ont fait sentir l'Espagne à ce point, ni la Guerre civile, dont j'ai pourtant longuement entendu parler au cours de mon adolescence. <br /> <br /> Ces variations sur Rombal, Rumbal, etc. m'ont également frappé, même si je n'ai pas poussé la réflexion aussi loin ni aussi subtilement que vous.<br /> <br /> À part cela, et n'ayant rien à voir avec ce qui précède : MÉFIEZ-VOUS des initiatives culinaires de Renaud Camus !
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