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La Nouvelle Lettre du Jeudi
18 janvier 2008

Aube

en guise de réponse à Guillaume Cingal et pour Renaud Camus


Imprimer des bois gravés, c’est d’abord remuer une grasse encre à l’huile, noire le plus souvent. La nuit remue, écrit Michaux. Le noir comme couleur, la nuit et l’insomnie sont les ingrédients de cette pâte que je touille. Les gravures se tiennent dans les profondeurs de l’encre, tapies dans les hauts fonds de la noirceur. L’encre est l’infusion de la nuit. La nuit est la matière de l’encre. Tandis que j’écris ces mots, l’aube s’est levée sur le causse de Blandas. Une aube rousse et verte que des nuages gris et roses rehaussent de leur massif être-là. Le Lingas a ses sommets pris par la chape nuageuse et malgré tout bien éclairé sur ses pentes... Intermède, le temps d’intervenir dans une bataille rangée et intempestive de chats de gouttière : derrière les collines du Barral, le lever du jour n’est plus que vive clarté posée sur les versants crépus, et le Lingas disparaît sous les nuages. Le vent agite les volets. Vive lueur à présent sur les collines à l’horizon et, devant elles, encore plongé dans un reste de nuit, le plateau. L’horloge et son tic tac, c’est le seul signe que l’on vit. Au-dessus de la maison, le ciel est bien dégagé, le vent souffle ses rumeurs. Ce bruit du vent a toujours approfondi en moi cette sensation de lointain qui immanquablement finit par s’insinuer dans le chef des habitants de ce lieu. Je n’ose penser au sommet de la colline au risque de m’y précipiter et de perdre la matinée, pourtant marcher me ferait le plus grand bien. Je me demande alors si je ne quitterais pas tout de même cet écran pour une excursion, un simple aller et retour. Après ces longues journées de pluie, un peu d’air est bien le moins que l’on puisse s’octroyer. Sur ce…

Un peu plus tard…

Pour descendre de la colline, il faut emprunter des chemins qui n’en sont guère. Non pas qu’ils ne mènent nulle part ; l’on sait très bien où ils conduisent : dans l’intimité des Cévennes et du Temps. Ces pseudo-chemins sont tout de calcaire friable et de pierres ornées de lichens aux coloris les plus variés. Cela va du jaune orangé aux roses très pâles ou, parfois, foncés. Quand on a franchi le sommet et que l’on se laisse emporter par la pente dans le creux de la colline, on est vraiment seul avec un entrelacs de montagnes basses, des vallées qu’on imagine sombres et riantes. Le Roc  Blanc se tient en face, il contient le versant nord de la Vis qui coule en contrebas. Partout des ammonites, des traces du Temps. 

Avant de partir, j’avais lu ces quelques phrases de Michaux :

Non loin de la ville, il y avait un étang. De grandes guirlandes de robes et de rires. Voilà comme il était.
Non loin de la ville était une forêt de grands arbres ; c’étaient vraiment des unijambes, voilà ce qu’ils étaient, d’immenses unijambes.
Non loin de la ville était une campagne plantée de maisons. Car c’est comme ça qu’il est ce pays triste et surpeuplé où il a vécu.


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