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La Nouvelle Lettre du Jeudi
12 janvier 2008

Conte russe

Lecture en diagonale du Journal de Kafka, mais je ne retrouve pas l’extrait où l’écrivain dit qu’il suffit d’écrire une phrase, n’importe laquelle, pour qu’elle soit réussie (dans le cadre du Journal). Je peine à terminer l’article liégeois. La dernière partie est comme un obstacle que je ne parviens pas à sauter. Une vive lumière d’hiver inonde le plateau tandis qu’en ses confins de lourds nuages chargés de neige s’accrochent aux reliefs. Le Lingas est tout blanchi. Lecture ce matin de Bakhtine et d’un article sur Bakhtine de Bénédicte Vauthier, de l’université de Liège justement. Puis rédaction d’une réponse au commentaire de Didier Goux. Rédaction aussi de quelques paragraphes à propos de la « revenance » dans Corée l’absente, mais rien d’achevé encore de ce côté-là. Un vent glacé souffle dehors et ôte tout désir de sortir se perdre sur les sentiers de la colline. Le vent s’insinue jusque dans cette pièce. Des manuscrits de Bakhtine ont sans doute été perdus. Miracle  dès lors de pouvoir lire cet auteur qui renouvelle par-delà les formalistes russes l’approche esthétique et poétique du roman. En russe, le mot « art » isskoustvo englobe tous les arts, y compris la littérature, signale le traducteur. Pourquoi la découverte de cet auteur est-elle si tardive alors qu’il écrit des textes en 1924 qui ont déjà une portée si ample quant à la perception de la chose écrite et artistique ? Il semble que ce ne soit pas avant 1960 que l’on se ressouvienne  de Mikhaïl Bakhtine. Une explication très simple : l’essai sur l’esthétique et la théorie du roman a dormi un quart de siècle dans un tiroir avant de voir le jour. La situation politique de l’U.R.S.S. explique en grande partie cela : Bakhtine a subi un « exil administratif » à la frontière de la Sibérie. À ce régime, on ne peut être que très prudent sur le chapitre de la publication et de la divulgation de ses écrits. Vaut-il mieux l’indifférence d’aujourd’hui ? À l’instant où j’écris ces lignes, une lumière mordorée qui va déjà s’affaiblissant, aura brillé un laps, puis revient, et repart aussitôt. Tout est gris de nouveau, et froid. On dirait qu’il va neiger ici aussi. L’histoire des manuscrits de Bakhtine, y compris celui que l’on suppose égaré lors de la débâcle de 1941, le manuscrit sur le roman allemand du XVIIIe siècle, offre un champ à la rêverie et aux suppositions les plus vaines. Que se serait-il passé dans la littérature européenne si le livre sur l’esthétique et la théorie du roman avait été traduit et divulgué en Europe occidentale dès les années trente ? Quand on se souvient de la difficulté de Walter Benjamin à s’imposer sur la scène française, on peut sans doute répondre, hélas, rien. Il ne se serait rien passé, car personne, en tous les cas en France, rétrospectivement, ne semblait prêt à lire et à entendre ces textes. Si je ne m’abuse, il faut attendre les années soixante pour que les formalistes russes soient lus et commentés en France. Au fond, il est cohérent de ce point de vue, que la réception active de Bakhtine soit encore bien plus ultérieure. Les études sur le conte de Vladimir Propp sont traduites et publiées au Seuil par Todorov et Genette en 1965 quand l’édition originale russe est de 1929. À présent, ces théories se sont vulgarisées, et les enfants les apprennent ; sans connaître le nom de Propp, ce qui est dommage. Quant à moi, je ne me souviens pas qu’un professeur ait jamais cité le nom de Bakhtine. Les formalistes étaient par contre au programme et nous avons étudié Propp notamment. 

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