Style et vérité
Un téléphonage chinois pour annoncer une exposition à la fin du mois de janvier. Lecture de Jünger et préparatifs pour le projet Blackbookblack. Léautaud voue un culte au premier jet et refuse d’y toucher (s’il s’agit d’un journal). Jünger, au contraire, et je suis plus enclin à choisir cette esthétique, retouche jusqu’au moment où le style est juste. Jünger donne cet exemple : si cela sonne mieux d’écrire « J’ai mal agi » plutôt que « J’ai bien agi », il est préférable d’opter pour la justesse littéraire. Dans l’esprit de Jünger, ce qui fait la vérité d’une phrase, c’est la justesse de son style et non sa prétendue sincérité. Entre lire un journal « sincère » et mal écrit et lire un journal parfois insincère au style juste, le choix est vite fait, me semble-t-il. Mais c’est là peut-être un faux dilemme, car, au fond, la vérité ne peut être que du côté du style. Le style emporte une vérité vibrante et foisonnante, riche en connotations les plus diverses. Avec cette vérité-là, on peut vivre longtemps. Je préfère la vérité stylistique de La Recherche aux milliers de témoignages mornes et plats que l’on trouve sur les rayonnages des librairies, fussent-ils les plus sincères (et précisément pour cette raison). Mais toute phrase est d’abord un arrangement avec le réel. Par conséquent, dans le domaine de la littérature de témoignage, même le style fait la loi et la différence.