Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
La Nouvelle Lettre du Jeudi
29 décembre 2008

Hivernales et Nouvelles Solitudes

C’est l’aube, mais la nuit règne encore sur le causse enneigé. La neige continue de tomber. Le feu crépite. Image d’Épinal. Je ne sais si écrire ainsi entre veille et sommeil est une bien grande idée. Depuis de longs mois à présent un vif sentiment de défaite que rien ne semble pouvoir abolir me maintient dans un état de quasi inactivité. J’envie les natures que rien n’arrête et qui paraissent regorger d’énergie, toujours prêtes à repousser plus loin les limites de la fatigue pour le plus grand bien de la culture et de l’art. Je ne suis, hélas pour moi, pas fait de ce bois. J’appartiens au contraire à la catégorie de ceux qui ne disposent que d’un minimum d’énergie créatrice, à peine de quoi sortir quelques dessins, quelques toiles, quelques gravures, quelques phrases une fois l’an. Le reste du temps, ou plus exactement, la majeure partie du temps est consacrée à l’attente des jours meilleurs. Quand, à cette disposition calamiteuse, se conjugue une maladresse commerciale et un goût de la dépense…

Remuer cette boue ne sert à rien, du moins à rien d’autre que de laisser paraître à la surface de cette page écranique le désarroi et donc d’en soulager quelque peu le poids sur la conscience.

Ce que je vois par la fenêtre correspond assez bien à ce que je cherche à peindre : lente émergence d’un monde qui se rétracte autant qu’il ne s’affirme. On distingue sans distinguer, on voit sans voir. Blancheur bleutée dans laquelle se creuse un paysage noir et incertain.

Me trouvant une nouvelle fois rejeté aux limites, je suis comme K. ou comme Dante, à la croisée des chemins : « Nel mezzo del cammin di nostra vita… ». On en revient toujours là, immanquablement ; et cette image, elle est de Leibniz, je crois, est bien celle qui dit le mieux ce qui est, je paraphrase : « à peine croyais-je avoir pris le large que je me trouvais rejeté aussitôt sur le rivage ». L’existence n’est que cet éternel retour au rivage. Le large demeure le large, l’horizon l’horizon. On ne quitte Ithaque qu’en rêve. Pénélope nous tient fermement accroché à elle.

Publicité
Publicité
Commentaires
U
Neige et nuit noire au programme...
A
Je m'associe à la déception de Monsieur Viaddeff: moi aussi je souhaitais relire tranquillement ces dernières réflexions, notamment celles qui avaient trait au dernier Journal de Renaud Camus.<br /> La neige est tombée sur toute la Belgique. Quand le ciel est bleu et la lumière rose sur les façades et la moelleuse blancheur qui recouvre les arbres, les parcs et les jardins, Bruxelles ressemble à une carte de vœux de notre enfance.
E
Cher Olivier Deprez,<br /> Je découvre ce soir que vous avez supprimé plusieurs de vos derniers messages. L’exercice de la quotidienneté est partagé, aussi, par vos lecteurs… On pense deviner, à vous lire régulièrement, quels ont été les mobiles de ces clics destructeurs… Je retournai hier soir sur votre page pour découvrir que vos développements récents sur le journal de R. Camus, sur la spirale, entre autres, avaient disparu… À jamais ou pour une réécriture ?… Et pourtant, j’ai apprécié ces lignes et avait hâte de les lire à nouveau, comme viatique à la journée écoulée.<br /> Tenter d’agencer, de construire un monde, de le façonner par petites touches constitue une lutte permanente, pour le commun des mortels, contre le temps et « la dette »… <br /> Je continue à croire que cela en vaut la peine. <br /> Cela, même parfois entamé, grignoté aux entournures, on ne peut pas nous le prendre.<br /> J'ai songé à ces phrases de Mireille Havet, que je recopie: " J'interroge, pas grand chose ne répond. La réponse est en moi-même, dans le parachèvement de ce que la nature me fait, dans la création que je deviens, dans le génie que je cherche, dans la poésie, dans la tristesse, dans l'éternité de moi-même..." (Mireille Havet, Journal, T.1, p.80)<br /> Cordialement, au plaisir de vous lire,<br /> Erik Viaddeff
A
« Pour sa hâte à disparaître, pour la discrétion avec laquelle elle rend toute chose implicite, il aime la neige. Jamais il ne pourra égaler une légèreté aussi subtile : il y faudrait une décision trop soudaine, alors qu’il se complaît volontiers à délibérer, à croiser les jambes sous la table, à s’attendre au coin d’une rue qui n’est pas encore inventée.<br /> Quel bonheur de n’abandonner derrière soi aucune trace qu’on puisse déceler, dont quelqu’un s’empare tôt ou tard pour la glisser au creux de l’oreille où elle s’éternise dans les cavernes du silence.<br /> Donc il aime la neige pour sa hâte à disparaître et la discrétion de son allure, et parce qu’elle s’écoule au ruisseau dans les eaux printanières, puis à la rivière de l’été jusqu’à la mer, quand les vents sont propices, et de là se perd dans le ciel où naissent les nuages.<br /> À défaut de vivre une telle métamorphose, il aimerait durant des siècles blanchir dans un paysage de tableau ancien, où les arbres seraient noirs, l’alizé favorable aux voiles, où s’élanceraient les oiseaux de la plus vaste envergure. »<br /> <br /> <br /> « On le sait bien, là où on regarde il n’y a pas de trou, pas de trou visible et bien cerné, pas de trou qu’on pourrait tâter du bout de l’ongle, pour toucher du doigt l’encre de la nuit.<br /> Nulle part de trou par où se glisser, le moment venu, quand le danger devient insupportable, et disparaître de l’autre côté du mur, une fois pour toutes. Mais on préfère agir comme si, et caresser son silence d’une paume un peu moite. On est vraiment coincé contre l’opacité des choses.<br /> Alors on prend un air dégagé, on appuie son échelle contre le mur blanc, on sifflote comme si les cerises étaient mûres et on grimpe sa hauteur, on se hisse vers la fenêtre là-haut ouverte, pas loin du plafond. On veut savoir ce qui se passe là-bas.<br /> Drôle de spectacle, tout de même, qu’un homme juché sur son échelle et qui regarde ce que personne ne voit, ce que personne ne verra et d’où aucune rumeur ne monte. Qui observe peut-être une place vide bordée d’arbres où rien ne bouge, pas une feuille, où se dresse une statue qui s’est tirée hors du temps et n’est plus là pour personne.<br /> C’est à ce moment-là qu’on regrette de n’avoir pu, un jour de chance, échapper aux interminables comédies de la tête. »<br /> <br /> (Joseph Noiret, "L'espace oblique")
La Nouvelle Lettre du Jeudi
Publicité
Archives
Newsletter
Publicité