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La Nouvelle Lettre du Jeudi
13 juin 2008

Touristes, fuyez!

Plutôt que de continuer à sombrer dans l’eau saumâtre des idées noires, ce matin, tôt, je suis monté à la croix. Un vent très léger soufflait. Le bruit d’un tracteur montait avec moi, puis il a disparu : j’étais dans le pli de la colline. Les fleurs sont comme des femmes, des jeunes filles disait Proust, elles exhalent des parfums qui vous saoulent l’esprit. Comme j’étais hors du temps, il est très facile de sauter de l’imparfait au présent. Le site est idyllique. Il n’y a pas d’autre mot : parfait pour une idylle. Une idylle avec le vent, l’horizon, et tout ce qui demeure rassemblé sous ce ciel bleu calme et tranquille. Les chemins sur le causse semblaient de grandes couleuvres s’échappant au bruit de mes pas. Quelque chose a fui dans l’herbe sans demander son reste. Tout est sec, mais efflorescent. Je me retourne et je regarde sur ma gauche le flanc de la colline que rythment des roches longues et grises. Je croyais surprendre l’aigle, mais il n’a pas paru. Les senteurs du thym sauvage ont remplacé les forts parfums des massifs de fleurs roses. Je les voyais crémeuses toutes mêlées au vert des branches songeant aussi bien à un Monet qu’à un Twombly.  Je me suis assis longuement laissant les pensées tournoyer comme le font ici les vautours moine ; j’évoquais pour moi seul la figure de Porti. Je pensais à ce qu’il me disait tout le long de cet hiver. Porti est le prototype achevé de l’être fuyant. N’espérez jamais le saisir.

Ensuite, je suis revenu vers le village. Sans doute vaut-il mieux ne pas trop vanter ce lieu. Dire plutôt qu’il est très rude, que rien ne facilite la marche ni le loisir au sens moderne et touristique du terme. Aucune plaque, aucun signe qui vous guide. Des buis à perte de vue, entre lesquels on erre comme dans un labyrinthe végétal. Pas de plan d’eau pour se baigner, pas de plage, pas de bruit, pas de société, et de la civilisation à peine. Seulement des sentiers de brebis qui sillonnent les collines, collines qui ne sont même pas de belles grandes montagnes, mais, vues de loin, des terres pelées, arrondies, polies par les vents et le temps. Ronces et chardons est la devise de cette terre : touristes, fuyez !

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Commentaires
M
« Les senteurs du thym sauvage ont remplacé les forts parfums des massifs de fleurs roses. Je les voyais crémeuses toutes mêlées au vert des branches songeant aussi bien à un Monet qu’à un Twombly. »<br /> <br /> Voilà bien une image susceptible de me jeter sur les routes de France pour aller respirer moi aussi ces senteurs et m’extasier de ces coloris évoquant les tendres écrasis de mon cher Twombly. <br /> Et si vraiment l’écharpe d’Iris flotte sur les flancs arides et veloutés de ces collines, alors, je me sens prête à braver toutes les interdictions...
La Nouvelle Lettre du Jeudi
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