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La Nouvelle Lettre du Jeudi
11 juillet 2006

premières note pour le chapitre 1.

1. Le training selon Walter Benjamin.

Il est une évidence : on ne peut apprendre à écrire qu'en ... écrivant.  De ce point de vue, le mythe de la page blanche conçue comme blocage n'est au mieux qu'un leurre, une feinte de poète, ou, au pire, le signe de l'ignorance. La poétique de la contrainte, entre autre, offre à l'amateur dépité mille issues à son impossible mise en branle scripturaire. La contrainte poétique dynamise le texte : du refus de la spontanéité, on tire une oeuvre, ou plus modestement un texte qu'on espère juste. Il ne suffit plus d'avoir des idées mais il faut d'abord une technique.

La technique scripturaire consiste en un certain usage de la phrase, du mot, de la langue. Le problème est que l'on ne découvre une telle technique qu'en en usant. Une connaissance théorique de la technique n'est guère d'un grand secours. Si vous n'écrivez pas, vous ne pourrez pas éprouver cette résistance matérielle qui constitue la base même de l'écriture. Anticipant sur les chapitres ultérieurs, l'on s'autorisera un rapprochement entre la matérialité du bois et la matérialité de la langue. Le bois résiste à la gouge mais le graveur trouve dans cette résistance le sens de son geste. Et plus il grave, plus il éprouve physiquement le matériau qui est le sien, plus il prend la mesure de la technique et apprend à régler un usage sien de cette technique. Car une technique ne vaut rien tant que l'on ne s'est pas emparé d'elle. De même, c'est en apprenant à se plier à la langue conçue comme contrainte que l'on apprend à écrire si pas de bons textes du moins des textes justes.

S'il est bien un écrivain qui a saisi très tôt dans son apprentissage que pour qui veut écrire, la technique est tout, c'est Walter Benjamin. Cet auteur a toujours eu à l'esprit que seul un engagement dans la disciplininé scripturaire serait le gage de la qualité de sa prose. Dans sa correspondance, le jeune Benjamin montre d'emblée une sensibilité aiguë au problème de la technique. Ecrivant à l'un de ses amis, il termine sa lettre en précisant qu'il "parlerait volontiers plus en détails" mais "une limite technique" de son art, précise-t-il, l'oblige à s'arrêter. Ce jeune homme qui n'est encore qu'un étudiant et qui est bien loin encore d'être l'écrivain et le philosophe qu'il va devenir a donc saisi d'entrée de jeu que la technique est seule maître à bord au point qu'ajouter encore des détails à une lettre à un ami, il ne le peut. Une telle sensibilité à la contrainte est tout simplement remarquable. Plus tard, Benjamin affirmera une seconde fois très directement encore l'importance qu'il accorde à la contrainte. "Si j'écris un meilleur allemand que la plupart des écrivains de ma génération, écrit-il, je le dois en grande partie à une petite règle que j'observe depuis vingt ans. C'est la suivante : ne jamais utiliser le mot "je" sauf dans les lettres" (cf. Chronique Berlinoise, p.260).
Pour saisir le degré d'entraînement atteint par Benjamin, il suffit de considérer un autographe de ???. On découvre sur ce document, écrit en français qui plus est, la maîtrise que Benjamin a atteinte grâce au training dans la manipulation de l'écriture. 










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