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La Nouvelle Lettre du Jeudi
26 janvier 2009

Jours disparus

Ce matin, blanc sur noir, ou plutôt blanc dans le noir, imbriqué avec le noir, émergeant du noir, le causse glacé. Lecture de Théodor Fontane et hier La montagne Magique d’après Thomas Mann, sur Arte. Les deux motifs auront été  la teneur de l’air et du temps de ces deux derniers jours. Fontane est plus léger que Mann, mais ce n’est en rien une objection à son œuvre. J’ai déjà eu l’occasion de noter l’influence qu’il avait exercée sur Franz Kafka. Kafka lui a emprunté, du moins c’est l’une des sources, le motif du château. Il y a une constante dans la prose de Fontane, c’est le pouvoir de l’imagination. Il faudrait examiner ce point plus en détail. Le monde de Fontane, le nord de l’Allemagne, la Baltique, les dunes, l’aristocratie, les hauts fonctionnaires, les femmes belles et intelligentes, blessées souvent, et l’inquiétude métaphysique que ces paysages induisent, ont un effet à la fois lénifiant et tonifiant. Lénifiant car il n’est que trop aisé de se laisser séduire par ces ambiances nordiques et tonifiant car la prose de Fontane est une constante leçon de choses non seulement en rapport avec l’existence mais aussi et surtout en rapport avec l’écriture, la prose romanesque.

Si l’on devait en une citation résumer l’art de Fontane, c’est celle-ci qu’il faudrait retenir : « Je vais rassembler des cas concrets, tirés de mes années de pastorat – quels égarements, quelles situations embrouillées ne découvre-t-on pas ! – et essayer de laisser ces histoires agir d’elles-mêmes. Madame votre sœur est aussi réfléchie qu’imaginative. Son imagination prêtera la vie à ce qu’elle aura entendu, et sa réflexion la forcera à penser au contenu de chaque histoire, et l’amènera  peut-être, de cette façon, à modifier sa façon de voir et même changer d’attitude. »

Ce fragment se trouve dans le récit intitulé Jours disparus. Il contient, condensée à l’extrême, la définition de la poétique de Théodor Fontane : en ce qui concerne l’écriture de  l’histoire, en faire le moins possible, laisser travailler le matériau, en ce qui concerne la lecture de l’histoire, imagination et réflexion sur ce qu’on lit et enfin, si le lecteur y met du sien et accepte lui aussi de laisser travailler en ses plis et replis le récit, promesse d’une transformation du regard et de la conduite.

Esthétique et éthique se complètent, comme chez Kierkegaard, cet autre nordiste qui m’est cher. Sur ces mots à peine écrits se lève le jour pâle, blanc, maculé de noir. Le Barral est encore perdu dans les brumes de l’aube. 

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