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La Nouvelle Lettre du Jeudi
2 mai 2008

Pollock, une vie

Lecture de l’excellente biographie de Jackson Pollock parue aux éditions Tristram. Steven Naifeh et Gregory White Smith ont réalisé un travail remarquable qui se lit avec passion et curiosité. C’est une face de l’art que l’on ne peut ignorer. Il serait idiot de nier totalement l’apport qu’un tel ouvrage peut avoir quant à la compréhension de l’œuvre d’un artiste. Doit-on parler de « compréhension » ou « d’appréhension » au sens de perception ? Regarde-t-on encore de la même façon une toile de Pollock avant et après la lecture de sa biographie ? Je n’en suis pas certain. Dans les lacis, les entrelacs des couleurs, les teintes invisibles de l’existence du peintre sont désormais présentes. La toile n’est pas seulement un objet culturel, elle se présente également comme un pan de la vie d’un homme.

Le parcours de Pollock est étonnant. Dit autrement, il est remarquable que son talent ait pu s’affirmer dans un contexte aussi difficile que celui de la classe populaire tenaillée par la précarité et la gêne qui était son lot dans les années vingt et trente aux Etats-Unis. L’alcool y paraissait l’ultime moyen de s’affirmer en tant qu’homme. Le régionalisme folklorique d’un Benton était le fin du fin de la chose artistique et le conservatisme menait la danse. Pollock a traversé ce régionalisme conservateur et ensuite a fréquenté les muralistes Mexicains.

Sur un point, notamment, la lecture de ce livre m’apporte un éclairage très intéressant. Le « Public Work of Art Project » de Roosevelt fut une réponse à la situation d’indigence dans laquelle se trouvaient les artistes américains. Cette aide publique et directe de l’état permit aux artistes de sortir de l’ornière en quelque sorte. De cette aide, j’avais une représentation quelque peu idyllique ; en quoi je me trompais, mais en partie seulement. Dans certains cas, les artistes devaient se rassembler dans un atelier et œuvrer selon des horaires précis. L’aide fut réalisée de manière très différente selon les états. Le problème était de définir qui était artiste et qui ne l’était pas, bref comment faire la part entre l’amateur et le professionnel ou, disons plus noblement, entre celui qui peint le dimanche et celui pour qui la peinture est la raison de vivre principale. Des contrôles furent aussi imposés aux artistes, et l’on vit défiler tous les arguments contre cette aide qui aujourd’hui encore servent à démolir toute idée d’aide sociale. Néanmoins, si tout ne fut pas rose, et si la guerre mit fin définitivement à l’initiative de Roosevelt, cette politique interventionniste permit aux artistes américains de travailler sérieusement leur art et par conséquent de le mener plus loin dans de meilleures conditions. Le « PWAP » n’explique pas à lui seul la réussite ultérieure de l’art américain, mais il fut certainement un élément décisif. J’essaye de m’imaginer un instant une rémunération régulière qui me mettrait à l’abri du souci et me permettrait de me consacrer totalement à l’art… Ce que je fais au demeurant, mais sans aide ( je ne suis pas très doué pour en obtenir, la plupart de mes demandes de bourse ont toujours échoué, et quand j’en ai reçu une, elle a été rabotée d’un tiers pour des raisons que je ne veux pas mentionner tellement elles sont stupides ).

Revenons à Pollock. Bien que le personnage n’inspire aucune sympathie, son tempérament de boxeur éthylique n’a rien de très séduisant, les auteurs de la biographie parviennent à créer un effet d’empathie étonnant. Si les trente premières pages m’ont paru un peu difficiles à digérer, les auteurs ont décidé d’ouvrir très largement la perspective sur la vie du peintre et ils remontent jusqu’à la fin du dix-huitième siècle pour cela, on entre ensuite dans la matière sans plus en sortir et sans même désirer en sortir : l’identification tourne à plein régime.

De plus amples commentaires, j’en ferai plus tard, si j’en ai le temps. Le « Blackbookblack prend l’essentiel de mon temps. Il est indéniable que ces dernières semaines, un basculement se soit opéré. Basculement qui se préparait de longue date et qui n’a rien de soudain.   

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